

-
Mot du président
-
Les échos du conseil
- Twitter et l’enseignement du français au secondaire : une entrevue exclusive avec Annie Côté
- Causerie Le français, langue commune au Québec. Défis et enjeux
- Prix médias : Ne gardez pas la langue dans votre poche!
- RAPPEL : concours Le français au Québec, j’y contribue!
- Remise de l’Ordre des francophones d’Amérique, du Prix du 3-Juillet-1608 et du prix littéraire Émile-Ollivier
-
Études et recherches
-
Actualités linguistiques
-
Nouvelles publications
-
Babillard
- Le Forum mondial de la langue française lance un appel à contribution
- Atelier Dialogues de Louisiane : un plan d’action pour le maintien et la promotion de la langue française
- Le Triathlon du français reprend sa course!
- 2e Colloque international sur l’enseignement du français langue étrangère
- Appel de textes pour le 28e Prix du jeune écrivain
- Premier volet du colloque international Le français et la construction discursive du concept de « francophonie » dans l’espace francophone
- Colloque sur les 25 ans de la Loi sur les services en français de l’Ontario
-
Appel à communications
Colloque de la SIHFLES 2012 : Grammaire et enseignement du français langue étrangère et seconde
Six ans plus tard : un bilan
Le premier éditorial que j'ai signé à titre de président du Conseil supérieur de la langue française (CSLF), en mai 20061, présentait les orientations que je souhaitais alors privilégier au cours de mon premier mandat. J'identifiais comme principal objet de préoccupation du CSLF l'intégration des immigrants à la société québécoise avec le commentaire suivant : « Il est donc difficile de concevoir un avenir en français au Québec sans l'intégration en français des nouveaux arrivants et sans leur participation à notre développement social et économique. Qui dit intégration en français dit aussi intégration sociale, ce qui laisse aussi entendre ouverture de la société d'accueil à l'autre. » La question de la qualité de la langue constituait la seconde préoccupation du CSLF. Je faisais les observations suivantes : « [La question de la qualité de la langue] ne se pose plus nécessairement, me semble-t-il, dans les mêmes termes. Comme elle s'évalue à l'aune de la norme, nous croyons qu'il serait intéressant, en premier lieu, d'analyser sous un angle différent la notion traditionnelle de norme. Au lieu de ne considérer la langue qu'en elle-même, il vaudrait probablement la peine de l'envisager comme un bien commun, objet en partage avec des gens venus d'ailleurs et avec des Québécois qui occupent des fonctions diverses dans la société, dont plusieurs vivent la diversité linguistique, une langue partagée de façon inégale peut-être, mais toujours française. »
Enfin, je soulignais qu'il était « devenu essentiel, dans toute question relevant du mandat de notre organisme, de prendre en compte l'opinion des générations qui ont bénéficié des effets de la loi 101 et qui ont grandi dans un Québec français. Les changements sociaux survenus au cours des dernières années, comme "l'implantation des nouvelles technologies, la mondialisation, l'intégration économique des Amériques, la tendance à l'uniformisation des cultures, la diversification des courants migratoires, la transformation de l'économie fondée désormais sur la connaissance et le savoir et l'évolution du droit2", ont modifié la donne et ont nécessairement eu un effet. Sur des sujets comme la maîtrise de la langue, l'ouverture aux autres cultures, la connaissance d'autres langues, les générations d'après la loi 101 ne partagent pas nécessairement la même vision, sur tout, que leurs aînés. Une meilleure connaissance de cette vision intergénérationnelle ne peut qu'enrichir nos débats et nous amener par conséquent à produire des avis et recommandations mieux ajustés aux besoins et préoccupations de la société québécoise de demain. »
Au terme de mon second mandat à la présidence du CSLF, je crois que la réflexion sur les enjeux que j'avais identifiés à mon entrée en fonction a progressé. Compte tenu de leur nature, toutefois, ils continueront forcément de faire partie des préoccupations de l'organisme.
Selon moi, l'avis Le français, langue de cohésion sociale (261 ko)3, publié au printemps 2008, constitue le texte le plus significatif du CSLF au cours des six dernières années. Il inspirera les positions subséquentes de l'organisme sur plusieurs questions. Il convient d'en rappeler quelques points importants.
La vision d'avenir qu'y propose le CSLF fait de la langue française un vecteur qui favorise la cohésion sociale. Pour la majorité des Québécois, elle remplit une fonction identitaire fortement liée au développement de notre société. Pour les personnes qui sont issues de l'immigration, la langue française, qu'elle soit ou non maîtrisée à l'arrivée, est un outil d'intégration sociale. L'insertion dans les réseaux sociaux francophones permet par la suite de développer un attachement au milieu qui, au fil du temps, viendra nourrir les mécanismes de construction identitaire.
La société, à tous ses paliers, doit fournir à l'immigrant les clés qui lui permettent de comprendre la société d'accueil et de pénétrer dans ses réseaux, favorisant ainsi son intégration. Et la connaissance fonctionnelle de la langue française, la compréhension des mécanismes sociaux, la fréquentation des autres Québécois, la participation aux activités civiques faciliteront le rapprochement de tous les citoyens et, par voie de conséquence, le bon fonctionnement de la société. Le lieu tout désigné pour construire les fondements de cette société en évolution, c'est l'école, l'institution où se fait la première expérience du français, langue commune. L'école se trouve donc au cœur de l'intégration sociale.
Toutefois, une intégration sociale réussie en français n'est possible que si les nouveaux arrivants retirent des bénéfices tangibles de leur connaissance de la langue d'usage public, que si la langue française leur permet d'améliorer leur sort et d'avoir accès à un emploi intéressant, où leurs compétences sont mises à profit. Il est donc impératif de lever tous les obstacles à l'embauche de ceux qui maîtrisent le français et de faire tous les efforts voulus pour faciliter l'admission dans les ordres professionnels. Le cas échéant, les immigrants devront avoir accès à une francisation qualifiante. En même temps, il est nécessaire de renforcer l'usage du français dans les entreprises, petites, moyennes et grandes, et ce, dans les meilleurs délais.
Le projet présenté dans l'avis sur la cohésion sociale vise la promotion de la langue française au Québec, sa maîtrise et son usage public par tous les Québécois. Il soutient particulièrement l'idée que l'intégration sociale des immigrants est indispensable au développement d'une société francophone en Amérique du Nord, au Québec. Il en résulte qu'à l'importance qu'on accorde à l'immigration pour l'avenir du Québec doit correspondre un effort du même ordre de l'État québécois. Cet effort passe, de l'avis du CSLF, par de nouvelles façons de faire et par une concertation qui met à contribution la volonté et l'expertise de toutes les composantes de la société québécoise, de l'État jusqu'à l'école et l'entreprise. Ce sont les conditions d'une intégration sociale réussie des immigrants et d'un élargissement de l'usage du français dans le monde du travail.
C'est là le cadre conceptuel auquel se rattachent deux avis importants, l' Avis sur l'accès à l'école anglaise à la suite du jugement de la Cour suprême du 22 octobre 2009 (211 ko)4 et
La langue d'enseignement au cégep (568 ko)5. Ces textes ont été produits de la propre initiative du CSLF, sans aucune considération partisane. Deux mémoires rédigés par le CSLF s'inspirent également de notre réflexion sur la cohésion sociale. Le premier6 a été présenté à la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles (commission Bouchard-Taylor) en 2007. Le second7, portant sur la planification de l'immigration pour la période 2012-2015, a été l'objet d'une audience publique de la Commission des relations avec les citoyens en août 2011.
La réflexion du CSLF sur la question de la maîtrise de la langue est en lien avec la volonté de faire de la langue française un facteur de cohésion sociale. Cette langue ne peut être que celle qui assure la communication avec la francophonie internationale; elle doit en même temps, comme ailleurs dans la francophonie, respecter la variation qui caractérise toute langue vivante. Ainsi que je l'écrivais dans l'éditorial de Francoscope en mars 2009 : « La langue que l'on doit maîtriser, c'est la langue française, c'est le français qui assure le lien avec l'ensemble du monde francophone, avec ses outils de référence. La langue des Québécois, c'est le français; un français comportant des modulations particulières, mais le français quand même8. »
En maintes occasions, tant au niveau national qu'international, j'ai insisté sur la nécessité de relever le niveau de maîtrise de la langue française, tant orale qu'écrite, au Québec.
Le CSLF a également poursuivi une réflexion nécessaire sur un aménagement linguistique qui prenne en compte les changements sociaux en cours au Québec. Ainsi que nous l'avions prévu en 2006, nous avons rencontré plusieurs groupes de jeunes pour discuter de questions ayant trait à la langue française et à leur vision d'un Québec moderne. Le fruit de ces réflexions a été publié dans Le français et les jeunes (446 ko)9 en mai 2008. Dans le même esprit, nous avons organisé conjointement avec l'Institut du Nouveau Monde (INM) un forum international dont le thème, « Le français pour tout et pour tous? », devait nous permettre d'avoir un meilleur éclairage sur le sujet. Il est devenu de plus en plus évident que l'avenir d'une société de langue française en Amérique reposait sur une essentielle législation linguistique, mais aussi, de plus en plus, sur un choix personnel d'intégrer une société dont le caractère distinct repose en bonne partie sur une culture et une histoire marquées par la langue française.
À la lumière des propos qui précèdent, les réactions que m'inspire le Rapport sur l'évolution de la situation linguistique au Québec (2,1 Mo), rendu public par l'Office québécois de la langue française (OQLF) le 9 septembre 2011, ne peuvent surprendre. L'inéluctable décroissance du poids démographique des personnes de langue maternelle française, puis des personnes de langue maternelle anglaise se fait au profit des utilisateurs de langues maternelles tierces. Selon un scénario prévisionnel moyen, le poids démographique des francophones de l'île de Montréal passerait sous la barre des 50 % en 2031 et continuerait de diminuer dans les autres régions du Québec, les francophones continuant cependant d'être largement majoritaires en dehors de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal. Essentiellement, cette baisse se ferait au profit des allophones. On observera avec raison que la question de la langue maternelle et de la langue parlée à la maison échappe à la Charte de la langue française, qui ne vise pas les pratiques linguistiques privées. Il n'en demeure pas moins, selon moi, qu'il existe une relation entre les usages privés et les usages publics d'une langue. Pour que le français soit la langue publique commune et pour que le français soit de plus en plus librement choisi comme langue d'utilisation « privée », il faut prioritairement revoir et améliorer nos pratiques d'intégration sociale et économique des immigrants. L'intégration doit devenir un objectif sociétal, une responsabilité endossée par tous les Québécois, et par l'État d'abord. En même temps, il faut s'interroger sur le pouvoir d'attraction d'une langue dont la maîtrise, à l'oral et à l'écrit, n'est pas assurée pour un trop grand nombre de francophones. En effet, ainsi que le déplore la Fondation pour l'alphabétisation : « Dans notre société du savoir, 800 000 adultes québécois sont analphabètes, ce qui est inacceptable. Mais 2,5 millions d'adultes ayant de faibles compétences en lecture, c'est tout simplement scandaleux! En d'autres mots, un adulte sur deux n'est pas outillé pour le Québec d'aujourd'hui et de demain et n'a pas les compétences requises pour traiter l'information écrite de la vie courante, notamment10 ».
On voit mal comment convaincre un immigrant de l'importance de la langue française si l'on ne s'attaque pas à cette autre dimension de l'avenir du français qu'est sa maîtrise par les francophones eux-mêmes.
Je suis convaincu de l'importance du rôle du CSLF pour l'avenir d'un Québec français. C'est un signe de santé démocratique de permettre qu'un organisme public comme le CSLF puisse poursuivre une réflexion autonome et produire des avis sur un dossier comme celui de la langue française au Québec à l'abri des interventions politiques partisanes. Je souhaite ardemment qu'il continue d'en être ainsi.
1. Bulletin du Conseil supérieur de la langue française, vol. 22, no 1, mai 2006 (2,0 Mo), p. 1-3.
2. Nadia Brédimas-Assimopoulos, « Préface » dans Alexandre Stefanescu et Pierre Georgeault (dir.), Le français au Québec : les nouveaux défis, Québec, Conseil supérieur de la langue française, Fides, 2005, p. 11; cité dans Bulletin du Conseil supérieur de la langue française, vol. 22, no 1, mai 2006, p. 3.
3. Conseil supérieur de la langue française, Le français, langue de cohésion sociale (261 ko), Québec, 2008.
4. Conseil supérieur de la langue française, Avis sur l'accès à l'école anglaise à la suite du jugement de la Cour suprême du 22 octobre 2009 (211 ko), Québec, 2010.
5. Conseil supérieur de la langue française, La langue d'enseignement au cégep (568 ko), Québec, 2011.
6. Conseil supérieur de la langue française, Les accommodements raisonnables en matière linguistique (49 ko), mémoire présenté à la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, Québec, novembre 2007.
7. Conseil supérieur de la langue française, Mémoire pour la consultation publique sur la planification de l'immigration pour la période 2012-2015 (101 ko), mémoire présenté à la Commission des relations avec les citoyens, Québec, août 2011.
8. Francoscope, vol. 1, no 2, mars 2009.
9. Nathalie St-Laurent, Le français et les jeunes (446 ko), collaboration d'Erica Maraillet, Marie-Hélène Chastenay et Caroline Tessier, Conseil supérieur de la langue française, mai 2008.
10. Extrait de la section portant sur la Journée internationale de l'alphabétisation du site Web de la Fondation pour l'alphabétisation.