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La situation
linguistique
en Haïti
bilan et prospective
par
Michel St-Germain
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Faculté d'éducation
Université d'Ottawa
Étude réalisée pour
le Conseil de la langue française
dans le cadre des travaux
menés en coopération avec
l'Institut de recherche sur l'avenir du français
(IRAF)
Cet ouvrage a été publié par
le service des communications
sous la direction de Léo Gagné
Collaboration :
Line BILODEAU
Sylvie DUGAS
© 1988 Éditeur officiel du Québec
Tous droits de traduction et d'adaptation, en
totalité ou en partie, réservés pour tous les
pays. Toute reproduction pour fins commerciales,
par procédé mécanique ou électronique, y compris
la microreproduction, est interdite sans
l'autorisation écrite de l'Éditeur officiel du Québec.
Dépôt légal 4e trimestre 1986
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN 2-551-08873-9
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
CHAPITRE PREMIER
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I.1 |
Fonctions linguistiques
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I.2 |
Répartition de l'utilisation du français et du créole chez les Haïtiens bilingues
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I.3 |
Typologie des qualificatifs et des attitudes à l'égard du créole
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I.4 |
Principaux organes de la presse écrite
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I.5 |
Nombre et pourcentage des propriétaires-gérants de commerces de gros et de détail ayant terminé au moins une scolarité primaire
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CHAPITRE II
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II.1 |
Aperçu général du niveau primaire, 1981-1982
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II.2 |
Évolution de l'effectif (en milliers) par secteur et milieu selon l'année (1960-1961 à 1981-1982)
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II.3 |
Évolution des instituteurs des écoles primaires par secteur et milieu selon l'année
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II.4 |
Sommaire des répartitions (%) des instituteurs selon le niveau d'études par secteur et milieu, 1977-1978 à 1981-1982
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II.5 |
Taux brut de scolarisation par milieu et sexe (1981-1982)
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II.6 |
Taux net et taux spécifique par âge pour le milieu urbain (1981-1982)
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II.7 |
Taux net et taux spécifique par âge pour le milieu rural (1981-1982)
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II.8 |
Taux de passage du niveau primaire au niveau secondaire selon l'année
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II.9 |
Évolution des résultats des examens de Rhétorique et de Philosophie de 1969 à 1982
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II.10 |
Taux global de réussite (basé sur un avancement normal dans la scolarisation)
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II.11 |
Évolution de la pénurie de maîtres qualifiés (de 1968-1969 à 1981-1982)
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II.12 |
Nombre de candidats présentés et admis selon les écoles normales (1982-1983)
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II.13 |
Bilan quantitatif des activités d'alphabétisation
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CHAPITRE III
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III.1 |
Plan d'études — heures hebdomadaires par discipline au 1er cycle de l'école fondamentale (juin 1985)
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III.2 |
Répartition (%) du temps hebdomadaire par année d'études, selon les disciplines (juin 1985)
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III.3 |
Répartition du temps (heures/semaine) consacré à l'étude du français et du créole (juin 1985)
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III.4 |
Répartition des heures d'enseignement du français et du créole par année d'études sur une base de 35 semaines/année
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III.5 |
Répartition des langues d'enseignement dans le plan d'études (1980)
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III.6 |
Schéma théorique d'implantation du programme de 1er cycle de l'école fondamentale
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III.7 |
Nombre et pourcentage de l'effectif engagé dans le processus de la réforme selon le secteur et le niveau (novembre 1984, échantillon de 2 222 écoles)
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III.8 |
Pourcentage de redoublants selon le secteur, le niveau et le système, novembre 1984
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III.9 |
Évolution des trois premières cohortes de la réforme, novembre 1984
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CHAPITRE IV
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IV.1 |
L'évolution de la population haïtienne de 1900 à 1970
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IV.2 |
Taux de croissance démographique
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IV.3 |
Population au recensement de 1982, population « attendue » d'après les projections et différences absolues et relatives — Les dix départements actuels
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IV.4 |
Répartition des communes selon le taux d'accroissement
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IV.5 |
Répartition des communes urbaines selon leur taux d'accroissement
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IV.6 |
Évolution de la population (1950-1982), taux d'accroissement annuel, rapport de masculinité et personnes par ménage selon le département et le milieu
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IV.7 |
Évolution du taux brut de reproduction (1970-2000)
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IV.8 |
Espérance de vie projetée (1970-2000)
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IV.9 |
Migration projetée (1970-2000)
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IV.10 |
Évolution des rapports de masculinité globaux (1970-2000)
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IV.11 |
Les composantes du taux d'accroissement de la population de l'ensemble du pays (1970-2000)
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IV.12 |
Évolution du taux d'accroissement annuel moyen par strates (1970-2000)
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IV.13 |
Évolution de la population totale d'Haïti par strates (1970-2000)
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IV.14 |
Évolution de la structure par grands groupes d'âge de la population (%)
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IV.15 |
Évolution de la répartition de la population par strates (%)
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CHAPITRE V
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V.1 |
Niveaux de connaissance du français et niveaux scolaires selon la norme française (Perrin, 1981, p. 139)
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V.2 |
Modèle adapté par Perrin (1981) sur la correspondance entre les niveaux de connaissance du français, les niveaux scolaires et le nombre d'heures d'enseignement
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V.3 |
Répartition horaire hebdomadaire selon les matières et les niveaux, 1938-1962, 1963 SQQ
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V.4 |
Répartition annuelle des heures d'enseignement selon la matière et les niveaux, 1938, 1963 (base : 35 semaines/année)
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V.5 |
Total des heures d'enseignement du et en français et total des heures d'enseignement du français selon l'année terminale, 1938, 1963
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V.6 |
Proportion de l'effectif inscrit en 6e année primaire par rapport à l'ensemble de l'effectif selon le secteur et le milieu (de 1973-1974 à 1982-1983)
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V.7 |
Indices de proportionnalité antérieurs (I.P.A.) et postérieurs (I.P.P.)
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V.8 |
Effectif inscrit en 6e année primaire selon le milieu et le secteur, 1973-1982
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V.9 |
Effectif inscrit en 6e année primaire selon le milieu et le secteur, 1960-1972
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V.10 |
Données de base pour l'interpolation 1928-1959
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V.11 |
Effectif global et terminal, de 1942-1943 à 1959-1960
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V.12 |
Effectif global et terminal de 1931 à 1941
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V.13 |
Effectif projeté (Ire-6e) par milieu et secteur, 1981-2000
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V.14 |
Estimation de l'effectif inscrit en 6e année selon le secteur et le milieu, 1983-2000
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V.15 |
Estimations de la population par secteur pour les années 1985, 1990, 1995 et 2000
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V.16 |
Estimations théoriques de l'effectif de la population de 65 ans et moins ayant atteint la 6e année primaire, selon la période et le milieu
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V.17 |
Pourcentage de la population ayant atteint la 6e année primaire, selon la période et le milieu
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V.18 |
Estimations corrigées de l'effectif de la population de 65 ans et moins ayant atteint la 6e année primaire, selon la période et le milieu
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V.19 |
Pourcentage de la population ayant atteint la 6e année primaire, selon la période et le milieu
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V.20 |
Relevé des facteurs sociolinguistiques déterminant l'avenir du créole en Haïti (à partir de Valdman, 1978, p. 362)
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Présentation
En 1981, l'Institut de recherche sur l'avenir du français (IRAF) a voulu faire l'inventaire des francophones à travers le monde et établir des projections sur leurs effectifs à l'horizon de l'an 2000.
Le Conseil de la langue française fut alors convié à participer à cette ambitieuse entreprise et décida d'y apporter sa contribution. La présente étude sur Haïti fait partie de ces travaux conjoints.
L'auteur, Michel St-Germain, a réussi à relever le défi de dresser un portrait d'ensemble de la situation linguistique en Haïti, qui permet de mieux apprécier l'évolution potentielle du nombre de parlants français dans ce pays. Par ailleurs, la situation de diglossie où se trouve Haïti constitue un enjeu social des plus importants pour ce pays. Sans engager le Conseil, l'auteur a pris parfois position face à cette situation.
Le vaste éclairage que monsieur St-Germain donne sur la situation linguistique en Haïti fait de son texte une analyse unique, utile à ceux qui s'intéressent à l'avenir de la francophonie, à ceux qui veulent connaître la situation haïtienne et peut-être même à ceux qui exercent une influence sur l'avenir de ce pays.
Palé fransé pa vlé di lespri.
(Parler français n'est pas une
preuve d'intelligence).
Quand quelqu'un parle pour
ne rien dire, on dit qu'il parle
français.
Qui peut commencer une
phrase en français sans li
pas fini'I en kréyol?
Proverbes haïtiens
Introduction
Depuis plusieurs années, on assiste à un débat mondial sur l'utilisation des langues vernaculaires dans l'enseignement, principalement au premier cycle. Le débat porte aussi sur les conséquences de l'utilisation et de la répartition linguistiques. Plusieurs pays africains et asiatiques ont mis en place des réformes éducatives qui font une place importante aux langues vernaculaires.
Haïti n'a pas échappé à ce mouvement. Le débat linguistique n'est pas récent. Dès les débuts de la colonie, on retrouve une situation multilingue d'où ont émergé le créole et le français d'Haïti. De cette époque date aussi le partage linguistique en fonction de la situation et du statut des locuteurs.
Une vaste réforme a été amorcée à la fin des années 70 pour rénover un système scolaire fortement élitiste, désuet par ses programmes et inadapté par l'utilisation généralisée du français comme langue d'enseignement. L'un des volets importants de cette réforme était l'introduction du créole comme langue d'enseignement et langue enseignée. Depuis plusieurs années, on l'utilisait comme langue d'enseignement surtout dans certaines écoles du secteur privé. L'absence de graphie a freiné l'enseignement du créole. Ce problème surmonté, il devenait alors possible d'enseigner le créole.
On notait aussi, depuis quelques années, une augmentation graduelle des domaines d'emploi du créole. Ainsi, la radio, la télévision, les offices religieux, l'éducation virent tantôt le créole remplacer le français comme langue d'usage, tantôt le créole acquérir un statut complémentaire à celui du français.
Ces développements justifient une étude prospective de la situation linguistique en Haïti. Il s'agit de déceler, à partir de certains paramètres, comme les domaines d'utilisation, la situation diglossique, la législation scolaire, le volet linguistique de la réforme, l'évolution démographique probable, etc., les avenues possibles de l'évolution de la situation linguistique.
Après un préambule sur l'origine du créole, le premier chapitre traite du concept de diglossie et des variables sociolinguistiques, de la situation linguistique actuelle et des nouveaux domaines d'emploi. En conclusion, il ressort que le français, langue de la minorité, est appris à l'école et que le créole occupe une place de plus en plus grande. Le deuxième chapitre a pour objet d'étudier le système scolaire. Cette analyse se révèle importante et se justifie par le fait que l'école est, à toutes fins pratiques, le seul lieu où l'on peut apprendre le français. L'analyse porte sur le niveau primaire et, à un degré moindre, sur les niveaux secondaire et normal. La dernière section de ce chapitre traite du système d'éducation extrascolaire (alphabétisation) et des politiques linguistiques qui s'y rapportent.
Le troisième chapitre aborde les différents volets de la réforme éducative et s'attarde plus particulièrement au volet linguistique et aux objectifs du bilinguisme. Une attention particulière est portée aux conditions actuelles d'implantation de la réforme et aux difficultés rencontrées.
Par ailleurs, l'évolution de la situation linguistique dépend non seulement de la situation du moment, des conditions du système scolaire, du degré de réussite de la réforme éducative, mais aussi de l'évolution démographique et des mouvements de population. L'accroissement de la population, les migrations internes, le déséquilibre grandissant du niveau de vie entre le secteur urbain et le secteur rural exerceront une pression sur les structures d'accueil éducatives. Le quatrième chapitre analyse les principaux indicateurs démographiques et les hypothèses d'évolution de la population.
Enfin, le cinquième chapitre est consacré à quelques considérations portant sur une prospective linguistique. On y émet plusieurs constats à partir desquels on peut dégager les tendances de l'évolution de la situation linguistique. Ainsi dénote-t-on une certaine ambiguïté en ce qui concerne les politiques linguistiques et les orientations de l'enseignement qui en découlent. Compte tenu des difficultés rencontrées dans la mise en place de la réforme, on peut présumer que les taux d'abandon dans le système scolaire demeureront fort élevés et qu'une nouvelle génération de semi-scolarisés créolophones apparaîtra. Sans une intervention sur le plan politique permettant au créole l'accès au domaine juridico-administratif, les semi-scolarisés créolophones seront non fonctionnels et l'équilibre actuel sera maintenu. Advenant le cas contraire, le créole obtiendra, en complémentarité du français, de nouveaux domaines d'utilisation.
Ce cinquième chapitre présente aussi une approche quantitative de l'effectif potentiellement bilingue, c'est-à-dire ayant reçu une scolarisation suffisamment longue pour être en mesure d'exercer des habiletés de production et de compréhension.
Il faut préciser que cette recherche comporte certaines limites. En premier lieu, elle est incomplète. Haïti est en pleine réforme éducative et la situation évolue littéralement de jour en jour. La documentation pertinente et les rapports ne sont pas toujours disponibles. Les documents les plus à jour utilisés dans cette recherche sont de mai-juin 1985 (État actuel de la réforme éducative, Profil actuel du système éducatif). De plus, l'Institut haïtien de statistiques et d'informatique commençait récemment à publier une série de documents sur les résultats du recensement de 1982. Plusieurs abordent le volet de la scolarisation, comme Les résultats anticipés du recensement général, La scolarisation, La main-d'œuvre active. Ces documents furent reçus à la fin de l'élaboration de cette présente recherche. Il serait préférable d'attendre le dépouillement complet du recensement avant d'en faire une étude sérieuse; la vision serait alors globale et permettrait une analyse comparative avec la situation de 1971 et une validation avec les données disponibles dans les annuaires du Département de l'éducation nationale (D.É.N.).
L'évolution rapide de la situation entraîne, entre autres, une difficulté à obtenir de l'information pertinente et de qualité. On remarque que les documents concernant notamment la réforme tant du point de vue de l'évaluation de l'implantation que du point de vue des correctifs et des projets sont descriptifs, fractionnaires et bien souvent, à diffusion restreinte. Il devient alors difficile de recouper l'information pour en assurer la qualité.
L'aspect linguistique a fait l'objet de nombreuses publications. Laguerre (1982) présente un inventaire de 94 publications parues entre 1900 et 1980 et directement rattachées au thème « Langue et linguistique en Haïti » et de 180 autres qui ne lui sont qu'indirectement rattachées. On trouve aussi d'excellentes bibliographies sur le sujet dans Valdroan (1983, 1978) et Vintila-Radulescu (1976). Toutefois, les enquêtes systématiques et les recherches dament structurées sur les variables sociolinguistiques datent ou font défaut.
Une autre limite est que cette recherche se fonde sur l'observation participante, l'interview non structurée, mais orientée, les discussions et la recherche documentaire passant en revue la littérature pertinente. L'auteur a séjourné en Haïti de 1979 à 1982 en qualité de conseiller auprès du directeur de la planification du Département de l'éducation nationale. Par la suite, il y est retourné à trois reprises : en décembre 1983, en mai et juillet 1984 pour des périodes totalisant huit semaines, ce qui lui a permis de garder le contact avec la réalité haïtienne. C'est dans cet esprit que certaines hypothèses sur l'utilisation des langues sont avancées.
À cause de ces limites, cette étude ne fait que dégager les tendances de la dynamique des langues et ne peut s'attarder sur le problème de la qualité de la langue, problème primordial en termes de fonctionnalité linguistique. Des recherches sur le terrain se révèlent donc nécessaires dans ce domaine.
Enfin, l'auteur remercie monsieur Auguste D'Méza pour ses conseils et son support tout au long de cette recherche.
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